Dans cette contribution nous souhaitons interroger les processus au cœur de l’addiction à la pornographie. Nous appuierons notre réflexion sur le parallèle entre deux histoires, celle de Brandon, le « héros » du film Shame ; et celle de Kévin, un homme accueilli en psychothérapie individuelle. Dans le parcours de chacun d’eux, nous repérerons des traumas (en particulier sexuels) faisant l’objet de fixation, ayant entravé, pour une part, leur développement psychique. La fragilité qui en découle contribuerait à l’instauration d’un clivage au sein du Moi. Ces motions clivées, sous l’effet de la contrainte de répétition, menacent constamment de faire retour dans la réalité. Elles trouveraient alors une voie de frayage dans le visionnage compulsif d’images pornographiques. Cette consommation extrême pourrait se comprendre à la fois comme une tentative de donner forme au traumatisme (en appui sur des images réelles) et comme une modalité de décharge de celui-ci. Au regard de cette empreinte traumatique, nous formulerons l’hypothèse que l’addiction à la pornographie s’apparente à une pratique d’incorporation du sexe génital et de la sexualité adulte, marquant l’échec de l’introjection de la génitalité. Enfin, nous montrerons comment la thérapie individuelle peut aider le patient à mettre en lumière les pans traumatiques de son histoire et contribuer à renforcer son narcissisme atteint dans son intégrité sous l’effet du clivage. Plus particulièrement à l’appui du processus de sublimation, la thérapie permettrait de sortir l’addiction à la pornographie du registre de la honte en la transformant en terrain d’exploration au service de la (re)construction du sujet.

In this topic, we will raise the question of the processes underlying addiction to pornography. We will base our analysis on the parallel between two stories, Brandon's and Kevin's. Brandon is the protagonist of Steeve McQueen's movie, Shame, whereas Kevin is a true person met in individual psychotherapy. In history of each, we detected childhood traumas (in particular sexual) on which they remained fixed, thus disturbing their psychological development. These, only suggested in the movie, illustrate the informal nature of some traumas, impossible to be described. The psychological fragility they cause leads to a split within the self, which appears in two opposite views co-existing within each individual: one who continued his psychic structuring; the other remaining enclosed in the trauma. However, under the constraint of repetition, splitting elements constantly threaten the self to resurface, resulting in the compulsive watching of pornographic pictures. This extreme consumption could be understood both as an attempt to give form to the trauma (supported on real images) and as a mode of discharge of this one. We hypothesize that addiction to pornography reflects an attempt to incorporate genital sexuality, revealing the failure of introjection of “genitality”, hindered by the fixation to the trauma. Finally, we show that individual therapy can help the patient uncover the traumatic fragments of his personal history, and contribute to reinforce his narcissism whose integrity was threatened by split. More precisely, through sublimation, the therapy could allow the patient to quit addiction to pornography by transforming shame into exploration dedicated to self (re)construction.